Hervé Blaise Menguele

Bravo Pekin

Il est 22H15. Je suis dans le campus de mon Université. J'ai décidé de rester hors de ma chambre ce soir du 13 Juillet afin d'être témoin des premières émotions des chinois au moment de l'annonce par le Comité International Olympique des résultats du vote opposant Paris, Pékin, Toronto, Osaka et Istanbul.

Les rues sont désertes. Tous les chinois sont devant leur téléviseur pour vivre en direct l'évènement depuis Moscou. Je contemple le ciel pékinois et soudain, un bruit assourdissant perce les ténèbres de la nuit. La rumeur va grandissante. C'est fait, les résultats sont communiqués. Mais je n'arrive toujours pas à distinguer la nature de cette rumeur de plus en plus générale. Je fais de plus en plus attention, et je crois entendre des explosions de joie. Je doute un instant. Mais rapidement, l'évidence me gagne et le doute se dissipe: Pékin venait d'être élue ville organisatrice des olympiades de 2008.

Les espoirs déçus des années antérieures cèdent place à une euphorie spectaculaire. Les rues sont bondées d'un monde qui entonne des mélodies de fête, une foule qui, au fil des minutes s'accroît. La fête est générale et moi, je me mêle a cette joie. Je suis les pas de la foule, je crie de toutes mes forces et je m'abandonne dans l'expression des félicitations a mes amis Chinois. Tous me remercient avec la même allegresse et la même reconnaissance.

C'est décidé, c'est acquis, la flamme olympique va bel et bien bercer Pékin de ses douces lueurs en 2008. C'est l'espoir de tout un peuple qui voit ainsi sa réalisation. C'est l'effort d'un gouvernement qui se concrétise. C'est la volonté d'un peuple qui enfin commence à soulever des montagnes. La Chine, inéluctablement, poursuit ses envolées myrifiques vers cet eldorado définit 21 ans plus tôt par Deng Xiaoping.

Je continue de fêter avec toute une ville, tout un peuple. Et puis, soudain, je fais un replis stratégique dans ma pensée et je vois transparaître l'Afrique de mes ancêtres, mon Afrique.

O toi, Chère marâtre, réussiras-tu un jour à m'offrir pareil présent? Tu contribues toujours à la victoire d'autrui mais quand il s'agit pour toi d'oeuvrer pour ta propre victoire, tu te disperses, tu évolues en rangs dispersés.

O toi Afrique bien aimée, pourrais-tu un jour t'instruire des expériences d'autrui? Pourrais-tu un jour sortir de ces divisions intestines qui te déchirent? Pourrais-tu un jour offrir a tes enfants un visage nouveau? Pourrais-tu un jour leur permettre de laisser éclater leur euphorie pour une de tes importantes victoires?

Oui, Afrique, je te le demande aujourd'hui: quand viendra ton tour? Quand pourrons-nous aussi chanter a l'unisson au seul rythme de l'idéal commun réalisé? Quand pourrons-nous susciter nous aussi l'admiration internationale?

Afrique, terre chérie, tu trouveras peut-être ton fils trop impatient et impétueux, mais l'inquiétude par rapport a ton avenir s'impose. L'amour que j'ai pour toi m'oblige a m'inquiéter de ton devenir, celui de tes fils qui croupissent sous le poids da la mendicité et de la promiscuité.

Tu me diras peut-être que l'espoir pointe à l'horizon. Oui, Afrique, j'aimerais bien croire en cette ère nouvelle, mais rien a présent ne la présage. La nuit qui t'a longtemps engloutie, continue de propager ses ténébres en ton sein. Et la liste de tes malheurs va grandissante.

Je ne peux ne pas évoquer ta défaite pour l'organisation de la coupe du monde 2006. Te souviens-tu Afrique de cet échec lamentable pour tout le continent? Te souviens-tu que tu as été trahie alors même que, pour une fois, tu avais le profil idéal? Te souviens-tu que L'Asie, qui aujourd'hui vole de succès en succès, fut jadis au même pied d'égalité que toi? Dois-je donc conclure en la fatalité?

Afrique, pourquoi ce loyalisme par rapport à tous ceux là qui te trahissent? Pourquoi continuer à donner des victoires à ceux là même qui t'en privent? Te souviens-tu que la même Asie t'a refusée la coupe du monde 2006 au moment même où elle passait pour être ta meilleure partenaire? Oui, t'en souvient-il?

Afrique, je te prie de prendre enfin conscience de ta situation et de réviser tes multiples options afin de permettre à tes fils de goûter aux multiples délices dont tu disposes. Oui Afrique, tu es cette terre dont la richesse profite à d'autres qu'à ceux qui en ont le véritable droit…

Le tintamarre causé par un véhicule me réveille de mon soliloque. Je reviens a la réalité et autour de moi, ce sont toujours les mêmes sons de trompêtes, les mêmes cris de joie. La seule différence notable est que la foule devient de plus en plus opaque.

La joie est à son comble et l'ambiance carnavalesque de ces festivités connaît son comble à la Place Tianamen où des milliers de personnes se sont rassemblées pour chanter des louanges à la mère patrie. Jiang Zemin, président choinois, vient d'y prononcer un discours où il salue la victoire de son peuple.

L'évènement est historique. Les générations futures vont certainement longtemps s'abreuver de ce succès important qui marque peut-être le début de cette grandeur longtemps caressée. La joie est à son comble. Le chinois crie victoire. La marche continue vers une destination inconnue, la nuit s'annonce longue...


Afrique, vois-tu ce peuple qui fête ses victoires?
Afriques vois-tu les efforts de ces hommes?
Afrique, qu'attends-tu pour sonner le glas?
Afrique, qu'attends-tu pour décoller?
Afrique, quel avenir réserves-tu à tes fils?
Afrique, vas-tu enfin t'unir?

Les défis sont multiples et la nécessité de se serrer les coudes s'impose car la tendance mondiale actuelle veut que l'on s'associe pour espérer survivre. J'ose donc espérer Afrique que l'union nouvellement acceptée par tes fils va être ce déclic tant attendu. Celui qui va permettre à toutes les forces vives et les élites du continent d'aller à la convergence des idées et de mettre fin à la fatalité qui t'enchaîne.

Le grand hivernage de la société chinoise a paru long. Mais un jour, les lueurs du printemps se sont pointées, printemps qui annonçait un été merveilleux et lumineux. L'été Chinois est en sa phase prémonitoire et ceux qui auront les os durs vont devoir apprendre à composer avec une nouvelle puissance. Lorsque les réformes seront achevées et que le géant chinois va jaillir de sa réserve actuelle, le monde va découvrir la face cachée de ce pays longtemps marginalisé et diabolisé, le pays "rouge". Bravo Pékin, tu mérites cette reconnaissance mondiale.

Herve Blaise Menguele

Source: http://www.cameroon-info.net/cmi_show_news.php?id=8209



14/10/2007
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